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Numéro 7 mondial à 17 ans, Félix Lebrun, jeune prodige du tennis de table français, n'en finit pas d'étonner. Et il ne compte pas s'arrêter là.
Assis sur une table de ping-pong posée dans un jardin, un bambin rieur aux cheveux blonds, raquette voltigeant au gré de sa main potelée, n'en finit pas de renvoyer la balle à son père. Félix Lebrun a trois ans. Neuf ans plus tard, même chevelure blonde. Les lunettes sont apparues sur son visage déterminé, ses petits sauts avant chaque point aussi, sans oublier la prise porte-plume, cette manière de tenir la raquette appropriée par les Asiatiques, raréfiée au fil des ans. Félix Lebrun tombe à genoux, vainqueur des Eurominichamp's, tournoi européen réservé aux moins de 13 ans. Prélude à quelques titres en cadets (champion d'Europe en simple, double et par équipes, champion du monde en double en 2021).

« Peu importe qui il a en face, il veut le battre. Aucune peur, aucune gêne. »

Nathanaël Molin entraîneur de l'équipe de France

22 octobre 2023, Félix Lebrun tombe à la renverse. Il a 17 ans, et vient de s'imposer en finale du tournoi d'Antalya, en Turquie, face à l'Allemand Dimitrij Ovtcharov (4-3). À Montpellier, sa famille, réunie pour l'occasion sous le toit des parents, débouche le champagne. Si les exploits d'Alexis, 20 ans, et de « Féfé » se multiplient depuis un an et demi, il s'agit de célébrer le premier titre individuel mondial du petit dernier, deux semaines après sa victoire, en double avec son aîné, à Lanzhou (Chine), et quatre mois après l'or aux Jeux Européens.

Félix Lebrun : « Gagner n'est pas logique, c'est exceptionnel »
Pour la mère, parler de Félix sans évoquer Alexis est nouveau. Mais elle se plie à l'exercice, puisque le cadet a pour le moment pris l'ascendant : « Félix est un gagneur, il ne lâche pas un point, en match comme à l'entraînement, décrit Dominique Lebrun. Il est très rigoureux, et sait exactement où il veut aller depuis tout petit. » La semaine dernière, à Francfort, le clan, assis aux premières loges, n'a pas manqué une miette du parcours de Félix, battu en demi-finales d'un des plus gros tournois du circuit, par le Chinois Ma Long (4-1).

L'histoire peut sembler classique, au sein d'une famille imprégnée de ping. Avec, entre autres, un père, Stéphane, professionnel devenu entraîneur et un oncle, Christophe Legoût, champion d'Europe par équipes en 1994. L'une des deux soeurs, Margaux, travaille pour le club de Montpellier, et Félix a partagé l'or en double aux Championnats de France 2022 avec son beau-frère, Laurent Cova.

Le parcours, à Montpellier, hors du cadre fédéral traditionnel, le fut moins. L'entourage insiste sur la notion de jeu, mais déjà, « Féfé » se voit champion. « Il a l'état d'esprit, observe le paternel. Je ne sais pas d'où ça lui vient, parce que dans la famille on n'est pas du tout comme ça. » Nathanaël Molin, son entraîneur devenu celui des Bleus, le dépeint en « tueur » : « Peu importe qui il a en face, il veut le battre. Aucune peur, aucune gêne. » Une force mentale que souligne aussi Jérémy Surault, actuel préparateur physique : « À 3 ans il jonglait et faisait des choses qu'aucun enfant à son âge ne savait faire. C'est de l'obstination : il est moins fort que les autres au départ, mais il finit toujours par être le meilleur. »

Rien d'étonnant à ce que Félix Lebrun soit devenu le plus jeune médaillé aux Championnats d'Europe (bronze en double avec son frère en 2022), le troisième plus jeune pongiste à intégrer le top 10 mondial (n° 9 le 24 octobre), et le troisième Français le mieux classé (n° 7 aujourd'hui), derrière Jean-Philippe Gatien (n° 1 en 1992) et Jacques Secrétin (n° 2 en 1976). Ce passionné de tous les sports ne se lasse pas d'observer. « Je regarde beaucoup de matches, il y a des choses à prendre chez tous les meilleurs joueurs du monde », assure-t-il.

La défaite ne l'abat pas pour autant. Il cherchera, avec son frère, ce détail à améliorer pour faire la différence la prochaine fois. Et se souviendra de sa chance. « On a une histoire un peu particulière avec notre fille aînée (Roxane), opérée six fois à coeur ouvert, confie la maman. Je pense que ça sert dans le parcours des garçons, quand ils perdent, ils savent que ce n'est qu'un match de ping, ce n'est pas très grave. »

Jusqu'où ira « Féfé » ? On peut raisonnablement estimer que son ascension n'est pas terminée, puisque ni les montagnes chinoises, ni le labeur ne lui font peur. Et il lui reste au moins un défi : gagner face à son frère aîné.