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Comment la Fédération internationale d'escrime a ruiné l'affrontement entre l'Ukrainienne Kharlan et la Russe Smirnova

La sabreuse ukrainienne Olga Kharlan avait accepté d'affronter son adversaire russe Anna Smirnova, une première hors tennis. Mais la Fédération internationale l'a disqualifiée pour une poignée de main refusée.

Depuis qu'elle a été la première grande Fédération olympique à voter la réintégration des athlètes russes dès le mois de mars, l'escrime a le don de se couvrir de ridicule. Après des Championnats d'Europe délocalisés en dernière minute et en catimini, parce que la Pologne, où ils devaient avoir lieu, avait refusé d'accueillir Russes et Biélorusses, elle a choisi jeudi de disqualifier l'Ukrainienne Olga Kharlan, qui, après sa victoire au premier tour des Mondiaux, avait refusé de serrer la main de son adversaire russe, Anna Smirnova.

La FIE, avec le courage politique qui la caractérise depuis quatre mois, a refusé d'expliquer officiellement cette décision. Tout juste, en coulisse, laissait-elle filtrer qu'elle n'avait fait « que » s'appuyer sur son règlement, qui stipule que, lorsque « la dernière touche a été portée », il faut « serrer la main de l'adversaire ». C'est vrai, c'est écrit noir sur blanc, dans son article T122. On dirait un nom de Terminator, et c'est avec le même coeur que ces machines infernales que la FIE a accepté de basculer dans la science fiction.

La journée n'a pas manqué de scènes surréalistes, et la plus longue aura été donnée par Smirnova. Après que Kharlan a quitté la piste, elle, y est restée 50 minutes, en guise de protestation, assise sur une chaise translucide, pendant que la délégation russe, derrière elle, s'agitait pour réclamer la disqualification de Kharlan et déposer une réclamation. Un simulacre interminable. Finalement consacré par la décision de la FIE.


L'instance savait pourtant que cette journée avait un côté symbolique important. Pour la première fois depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie (le 24 février 2022), une athlète ukrainienne avait été autorisée à affronter une adversaire russe (hors tennis). Kharlan l'appelait de ses voeux depuis plusieurs semaines, et à 48 heures de son entrée en lice, elle errait dans ces immenses corridors impersonnels de la halle d'exposition milanaise sans savoir encore si elle pourrait vraiment tirer contre une adversaire russe.

Son ciel s'est assombri quand le tirage lui a attribué Smirnova. Ce n'est que mercredi soir, à la veille de sa compétition, qu'un décret du ministère des sports ukrainiens était amendé pour permettre à ses compatriotes de se frotter à ceux qu'il considère comme l'ennemi. Le CIO s'en était d'ailleurs félicité, jeudi, parce que le geste était fort et ouvrait des perspectives à un an des Jeux de Paris (26 juillet - 11 août 2024), pour y faire participer les deux belligérants.

Las, le manque de discernement de la FIE et l'influence russe qui s'y diffuse encore - elle qui, juste avant la guerre était dirigée par l'oligarque Alicher Ousmanov -, et où grenouille toujours Vitaly Logvin, président de la Confédération panaméricaine et ancien tireur de l'URSS, auront ruiné ce premier pas. Kharlan, dépitée mais pas abattue, confiait que mercredi, le président de la FIE, le grec Emmanuel Katsiadakis, lui avait assuré qu'il y aurait une solution à ce problème de poignée de mains, qu'elle avait anticipé. L'Ukrainienne, juste après sa dernière touche, a d'ailleurs tendu sa lame vers l'adversaire, une forme de salut que les tireurs utilisaient du temps du Covid. La Russe a préféré garder son sabre pour elle et avancer une main timide, restée sans réponse.


Face à cette situation ubuesque, la FIE a donc opté pour la pire solution : disqualifier Kharlan (sans repêcher Smirnova). C'est double peine pour la première, qui n'a plus le droit, pour l'instant, de participer à l'épreuve par équipes samedi, l'une de ses dernières chances de qualification pour les JO. Sa Fédération a demandé sa réintégration. Et dans la foulée, le CIO a appelé à faire preuve, à l'égard des athlètes ukrainiens, de « sensibilité ». Un tact dont la FIE est manifestement dépourvue.