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Ancien chef du service de chirurgie orthopédique de l'hôpital militaire de Vincennes, Gilbert Versier, qui opère également sur le Tour de France, décrit l'origine et les symptômes du syndrome de Muller-Weiss dont souffre Rafael Nadal au pied gauche et qui l'a contraint à mettre un terme à sa saison ce vendredi.

« D'où vient le syndrome de Muller-Weiss dont souffre Rafael Nadal ?
Cela touche généralement les gens qui ont les pieds plats. C'est congénital. Certains ont les pieds creux : l'arche, c'est-à-dire la distance entre la partie interne du pied et le sol, est très creusée. D'autres ont des arches complètement effondrées avec un pied en valgus qui favorise ce genre de pathologie. Cela provoque une compression de l'os naviculaire qui se nécrose. C'est la mort de l'os, il n'est pas rongé, il a perdu sa vascularisation. Il a tendance à se condenser, à s'écraser un peu (mais il ne disparaît pas) entre le talus, c'est-à-dire l'astragale et le cunéiforme, l'os qui est juste avant le métatarsien. Tout cela se passe sur la colonne du gros orteil, là où on a le maximum d'appuis.

Dans le cas de Nadal, il semblerait que des tendinites aux genoux apparues en 2005 soient à l'origine de cette blessure...
C'est possible. Pourquoi pas ? Je ne connais pas son dossier médical bien sûr, mais peut-être que c'est dû au fait qu'il mettait son pied de travers à cause de ses tendinites.

Il a aussi souffert d'une fracture de fatigue au pied en 2004.
Une fracture de fatigue à cet endroit-là peut aussi être une cause. Ce sont des os qui ne se consolident pas bien. Il suffit que la fracture passe dans la zone où arrive la vascularisation, où les vaisseaux se rejoignent et ça peut être suivi d'une nécrose effectivement. Mais c'est une pathologie très rare dont l'origine n'est pas très claire. On dit aussi que ça peut être en relation avec l'hyper sollicitation. Sur cet os naviculaire qu'on appelle aussi le scaphoïde (qu'on a également au niveau du poignet), il y a l'insertion de deux gros tendons. Les gens qui ont une puissance importante au niveau des pieds, avec beaucoup de déplacements comme au tennis, sont également à risque.


C'est un mal chronique...
Si la nécrose est limitée, on peut très bien s'adapter au moyen de semelles qui absorbent les contraintes et calent le pied dans une bonne position. Ce n'est pas forcément une pathologie qui évolue très vite. La dégradation qui va apparaître dans le temps, c'est une arthrose assez douloureuse mais souvent tardive. Ce sont alors des pathologies qu'on connaît bien mais plutôt chez la femme autour de 50 ans. On ne voit pas ça chez un sujet jeune.

Quid d'une intervention chirurgicale ?
Le tibia est articulé avec l'astragale ce qui permet la flexion-extension de la cheville. Tout le reste, l'adaptation sur des terrains très irréguliers se fait entre l'astragale et le calcanéum, qui est l'os du talon. C'est là où se passent tous les mouvements de rotation un peu complexes et si on bloque l'astragale et le scaphoïde en faisant une arthrodèse, on bloque l'articulation. On bloque cette adaptation du pied au sol et le patient ne sera plus capable que de marcher. Il ne pourra plus courir. C'est pour ça qu'on retarde cette intervention et qu'on la réserve aux patients qui sont extrêmement douloureux et qui n'arrivent même plus à marcher correctement. Ce qui n'est pas le cas de Nadal bien sûr.

Pour l'instant, il y a des hauts et des bas avec un traitement conservateur, symptomatique qu'on a mis en place chez lui. Traitement qui peut être doublé d'injections de cortisone, pour calmer les douleurs et l'inflammation, ou de soins par ultrasons. Ses semelles doivent être refaites au moins deux ou trois fois par an. Mais tout ce qui est chirurgical, la résection (ablation) d'une partie de l'os ou la greffe en prenant de l'os sur le bassin pour bloquer l'articulation au niveau du pied et enlever la douleur, ne permet plus la pratique du sport à haut niveau. »