Ben justement il l'a fait..
La vie, c'est parfois simple comme un coup de fil. Vainqueur lundi au premier tour du Masters 1000 de Monte-Carlo contre l'Américain Mackenzie McDonald, 55e joueur mondial (7-6 (6), 2-6, 6-3), le Russe Ivan Gakhov, seulement 186e à l'ATP, vit, depuis le début de ce week-end, un rêve éveillé qui se poursuivra au moins jusqu'à mardi après-midi. Il défiera alors, sur le Central du Monte Carlo Country Club, Novak Djokovic en personne, au deuxième tour.
« Si vous m'aviez dit vendredi soir que j'allais battre trois joueurs du top 100 coup sur coup, je vous aurais dit que vous étiez fou »
Ivan Gakhov
À 26 ans, ce gaucher originaire de Moscou mais installé en Espagne depuis l'âge de 14 ans n'aurait jamais dû se retrouver à pareille fête. Il raconte : « Si vous m'aviez dit vendredi soir que j'allais battre trois joueurs du top 100 coup sur coup (il n'en avait jamais battu un seul depuis le début de sa carrière) et me retrouver à jouer contre le numéro un mondial, je vous aurais dit que vous étiez fou. En fait, vendredi, on était rentrés à la maison, à Barcelone, avec ma petite amie. La veille, j'avais perdu un bon match au deuxième tour du Challenger de Murcie (7-6, 3-6, 7-6 contre le Croate Borna Gojo, 117e ATP). J'étais triste parce que j'étais passé pas loin, mais comme je venais de beaucoup jouer ces derniers temps et que je me sentais un peu patraque, j'avais prévu de prendre une semaine off. »
Inscrit in extremis à la place d'autres joueurs retardés par le tournoi de Houston
Heureusement pour lui, quelque chose l'a titillé, juste avant qu'il ne bascule en mode pause : « J'ai dit à ma copine que j'allais quand même passer un coup de téléphone à Monte Carlo pour me mettre sur la liste des alternates (les remplaçants potentiels, si des désistements devaient intervenir avant l'établissement du tableau des qualifications) parce que j'avais vu qu'il pleuvait tous les jours à Houston et que ça retardait tellement le déroulement du tournoi que, peut-être, certains joueurs en lice là-bas n'auraient finalement pas matériellement le temps de venir à Monaco. C'est ce qui s'est passé, j'ai été pris in extremis dans le tableau et on a pris un vol samedi matin, jour de mon premier tour contre Mannarino. »
Très reconnaissant envers l'ATP d'avoir vu son match programmé en dernière rotation, samedi, Gakhov a d'abord pensé ne pas faire long feu en Principauté : « J'ai pris 6-1 au premier set, c'était mal barré, mais ensuite, j'ai retrouvé le bon tennis que je pratiquais ces dernières semaines (il a gagné son premier titre en Challenger au tout début du mois, en Espagne) et, oui, depuis, c'est devenu quelques journées de folie. »
Les trois meilleures victoires de sa carrière en trois jours
Vainqueur d'Adrian Mannarino, 49e (1-6, 6-0, 6-1), de Luca Van Assche, 91e (6-3, 0-6, 6-2) et, donc, de McDonald, 55e (7-6 (6), 2-6, 6-3), Gakhov vient tout simplement de remporter les trois meilleures victoires d'une carrière qui a mis du temps à décoller, « parce que le Covid et une blessure m'ont beaucoup freiné, et aussi parce que, peut-être, je ne croyais pas assez en moi, même si je savais que je pouvais matcher avec des joueurs comme ça. Pourquoi le déclic à 26 ans ? Difficile à dire. Mon équipe a gardé foi en moi. Mais tout de même, ce qui se passe ici me laisse sans voix. »
« Même si je peux aussi jouer mes coups à plat, je dirais que j'ai un tennis espagnol, plutôt lifté, avec quand même aussi cette mentalité russe ».
Ivan Gakhov
Fils d'une dentiste et d'un cadre de BMW en Russie, Gakhov avait commencé par toucher au karting, où il était si doué que, tout petit, il courait déjà avec des ados voire des adultes, « mais un assez sérieux accident en course, parce que quelqu'un m'avait fermé la porte sur un dépassement, a conduit ma mère à ne pas vouloir que je poursuive dans cette voie. »
Est ensuite arrivé le tennis dans sa vie, puis rapidement l'Espagne, dès l'âge de 14 ans, d'abord à Valence, puis à Barcelone. « C'est pour ça que, même si je peux aussi jouer mes coups à plat, je dirais que j'ai un tennis espagnol, plutôt lifté, avec quand même aussi cette mentalité russe. »
Il joue avec les vêtements d'Andrey Rublev
Assuré de toucher un chèque de 41 700 dollars à l'issue de son tournoi de Monte-Carlo, et aussi de pouvoir s'aligner en qualifications des prochaines levées du Grand Chelem, Gakhov va pouvoir un peu souffler, financièrement. « Car à mon niveau et à mon âge, bah, non, je n'ai pas de sponsors. Et je n'avais pas non plus reçu de soutien de ma fédération, plus jeune. Heureusement qu'ici, Andrey Rublev me passe des vêtements (ils font à peu près la même taille, 1,91m pour Gakhov, ; 1,88m pour Rublev) et que Daniil Medvedev m'aide aussi. Ce sont de super potes. »
Pour la suite, c'est tout simplement le numéro un mondial qui va se dresser face à lui : « C'est incroyable. Pour moi, Novak est le meilleur dans l'histoire du tennis et je vais bien sûr essayer de me concentrer et de donner mon meilleur. »
Lundi soir, il avait prévu de faire enfin arriver son entraîneur à Monte-Carlo. « Jusque-là, parce qu'on ne pensait pas rester bien longtemps, c'est ma copine qui faisait office, mais quand même, ça pourrait me servir d'avoir mon coach avec moi, avant d'affronter Djokovic ».